Cela faisait bien longtemps que je voulais développer la partie manga du blog, et voilà que grâce à Casterman c’est possible. J’ai en effet l’opportunité de vous présenter ma première critique d’un tome qui sort ce mercredi dans nos librairies. Je veux parler de Gloutons & Dragons, de Ryoko Kui, qui a connu un grand succès au Japon.
Premières impressions
Je ne savais pas trop quoi penser du manga quand j’en ai entendu parler pour la première fois. Le titre était humoristique, avec un clin d’œil évident à « Donjons et Dragons », mais la jaquette ne m’attirait pas du tout. Le dessin est très simple et peu avenant pour moi qui choisis beaucoup mes titres sur la base du graphisme. Un personnage masculin en armure, armé d’une spatule et d’une poêle, dans un donjon, avec au fond d’autres personnages en train de cuisiner, et un dragon. Le tout dessiné de façon plutôt grossière, peu détaillé. Mais le résumé fait état d’un récit d’aventures, d’exploration de donjons, et surtout, de cuisine. Le mélange me semble bien sympathique, je décide donc d’accepter la demande de chronique et je reçois le volume.
Une fois en main, ce n’est pas encore ça. Je trouve le volume un peu trop grand, et la jaquette cartonnée ne me donne pas trop envie. Pourtant, le manga n’est pas si grand quand je le compare avec les autres, et mon manga préféré était avec une jaquette cartonnée. Mais je en sais pas trop, je ne suis pas encore convaincue… Par contre, le verso et l’intérieur m’ont déjà beaucoup plus emballé, avec divers monstres que l’on retrouvera dans l’histoire. Mandragore, basilic, slime, scorpion géant… Pour le coup, j’aime beaucoup les traits de ces dessins, sur un fond jauni comme un parchemin entouré de rouge-marron.
Je me lance donc dans la lecture, et les premières pages ont également cet aspect parchemin, avec une trame de fond légèrement grisée, et des contours calligraphiés. S’agissant d’un premier volume, pas de rappel des personnages ni du résumé (déjà présent au verso), la découverte reste entière. Seuls les titres des chapitres nous sont révélés, tous ou presque avec des noms de recette. C’est certain, la cuisine sera au centre du récit..
Synopsis
Une légende raconte que sous terre, un ancien royaume doré a été enfoui par un sorcier, et recèle de nombreux trésors. Son souverain, avant de rendre son dernier souffle, aurait promis qu’il offrirait toutes ses richesses à ceux qui anéantiraient le jeteur de sort. Depuis, de nombreuses équipes s’aventurent dans ces souterrains pour y trouver ses trésors.
On retrouve de suite Laïos, en plein combat avec son équipe au cœur du donjon. Mais ils ne sont pas au meilleur de leur forme car ils ont le ventre vide, et sa sœur se fait dévorer par un dragon. Obligés de battre en retraite, certains membres de l’équipe décident d’y retourner avant qu’elle ne soit digérée tandis que d’autres déclarent forfait. Cette nouvelle équipe réduite est composée de Laïos, combattant et chef de l’équipe, Marcyle, magicienne maladroite, et Tylchak, un voleur expert dans les serrures et les pièges. Mais la grosse problématique reste la même : comment vont-ils se nourrir dans ces lieux hostiles, sans argent ?
C’est alors qu’on apprend que Laïos a toujours secrètement rêvé de cuisiner les monstres. Malgré le dégoût que cela procure aux autres, surtout à Marcyle, il n’y a pas trop de choix, et ils commencent donc à s’essayer à cette nouvelle cuisine, armés d’un livre. Ils commencent avec un champignon ambulant et un scorpion géant. Pendant cette préparation, un être semble les surveiller. Ami ou ennemi ? Il s’agit en fait de Senshi, un nain qui arpente le donjon depuis une dizaine d’années pour étudier la cuisine monstrueuse. Voyant ces novices s’intéresser à la cuisine, il décide de les suivre dans leur quête du dragon. S’ensuit un récit d’aventure au cœur des sous-sols du donjon, à la recherche de mets monstrueux à préparer et ingurgiter…
Avis après lecture
Un manga en mode jeu vidéo / RPG
Voilà un volume qui se lit d’une traite (ou presque dans mon cas). Après une courte page de mise dans le contexte, le lecteur se retrouve immédiatement dans l’action, a de suite connaissance des personnages et il n’y a pas de temps mort. Ce qui m’a plu très rapidement, c’est le côté RPG d’un jeu vidéo, par le côté gestion des équipements et des vivres, ou les différents étages du donjon. Un peu plus loin dans l’histoire, on apprend même qu’avec la magie, il est possible de ressusciter très facilement. De nombreuses équipes peuvent se croiser dans le donjon, faire des échanges, discuter, ou même se venir en aide. Certaines actions entraîneront des échanges d’informations ou de monnaie. L’architecture même du donjon est très carrée et rappelle les RPG. Outre le fait que l’histoire se passe en sous-sol, le château ayant été enfoui, les chapitres se déroulent par zones et par étages.
Tout au long du volume, l’exploration du donjon montre à quel point la stratégie est importante. On sent qu’au cours de l’histoire, chaque membre aura son heure de gloire. Ce fut déjà le cas pour Tylchak dans l’un des chapitres, où ses talents de détecteur de pièges ont été fort utiles. Tous ont leurs propres talents (leur « métier »), un équipement qui peut s’améliorer, et des caractéristiques, même si elles ne sont pas quantifiées. L’histoire commence par une première grande quête à la recherche d’un dragon flamboyant que l’on pourra qualifier de boss final, afin de sauver une jeune fille en détresse (la sœur du héros principal). Je ne sais pas encore où tout ceci va nous mener, mais peut-être aurons-nous droit à d’autres quêtes ensuite ?
La cuisine des monstres
La grande originalité du titre, c’est le côté gastronomie, avec les recettes de cuisine à base de monstres qui se trouvent dans le donjon. Les héros ont une longue quête devant eux et très peu d’argent, il leur faut donc se remplir l’estomac par d’autres moyens. Comme le précise Laïos au début de l’aventure, le donjon a beau être enfoui, il y règne un éco-système complet. Preuve que certaines choses peuvent être consommées à priori sans risques… Et puis, c’est l’un de ses rêves de pouvoir goûter aux monstres du donjons. Rêve qui ne semble pas partagé avec ses compagnons. Mais de là à savoir ce qui est comestible, c’est une autre paire de manche. Heureusement que Laïos dispose d’un livre sur la cuisine des monstres ! C’est grâce à cela, et à ses connaissances, qu’il commence à préparer un premier plat, à base de scorpion géant et de champignon ambulant, de manière assez maladroite toutefois.
Heureusement que Senshi, le nain qui les surveillait depuis quelques minutes, apparaît et améliore grandement la recette. Ses propres connaissances sont beaucoup plus poussées, et surtout c’est sur le terrain qu’il a appris à faire la cuisine des monstres. Du coup, le plat semble délicieux, même s’il en rebute certain(e)s. Petit côté diététique supplémentaire, chaque photo de plat fait état de la recette ainsi que des apports en énergie, graisses et autres nutriments. Au cas où vous souhaiteriez vous y tester…
Dans le donjon, il n’est pas vraiment possible de faire la fine bouche, mais avec l’aide de Senshi, tous les mets ressemblent à de la grande gastronomie. Pourtant, les ingrédients d’origine n’étaient pas forcément très appétissants. C’est ce qui fait la force du manga sur cet aspect culinaire. Arriver à surprendre et à créer un plat avec tout ce qui peut se trouver dans le donjon. Du coup, à chaque plante ou monstre, on en vient à se demander si ce sera comestible. Même les plantes médicinales, très utiles dans tout RPG pour soigner les maux et les problèmes de statuts, se retrouvent dans une farce. Coup d’essai parmi tant d’autres, ces plantes étant utilisées habituellement en onguent et n’étant pas ingérées…
D’ailleurs, si les personnages ne sont généralement pas très détaillés et dessinés de manière plutôt simplifiée, j’ai beaucoup apprécié le degré de détail apporté aux plats, ingrédients et monstres. On sent que l’auteur veut vraiment mettre l’accent sur cet aspect de l’histoire. Comme dans beaucoup de shônen au final, où c’est surtout l’action qui est détaillée, plus que les personnages eux-même. Et si généralement les scènes de combat ne sont pas ma tasse de thé, le fait d’avoir des scène de cuisine assez détaillées avec les explications qui vont avec me ravissent au plus haut point. Probablement mon côté scientifique et cuisinière amateur !
Un humour omniprésent
J’ai parlé des deux thèmes principaux, la cuisine et le jeu de rôle, mais je voudrais aussi parler du genre du manga. Si la cuisine de monstres, bien que fantaisiste, est traitée avec un grand sérieux, le ton de l’histoire est clairement à l’humour. Quiproquos, gaffes, moqueries… Si les premières pages laissent penser à une quête tout à fait sérieuse, le ton change dès qu’il est fait question de cuisine de monstres. Marcyle est horrifiée à l’idée de manger des choses répugnantes et le fait bien comprendre à travers des réactions excessives. La pauvre ne semble pas beaucoup à sa place, sa magie n’étant pas encore beaucoup utilisée dans ce tome, et les autres membres de l’équipe la mettant un peu à l’écart. D’un autre côté Senshi ne se gène pas pour la taquiner sur son aversion, qui finit généralement par être temporairement oubliée une fois le plat entamé.
De son côté Tylchak est plutôt calme, mais ne rate pas une occasion de faire quelques réflexions bien placées qui mettent en évidence le ridicule de certaines situations. Tour à tour, chaque membre de l’équipe se voit moqué pour une raison ou une autre. Même si pour le moment ce sont surtout Laïos et son envie de cuisine de monstres très étrange, et Marcyle avec ses réactions disproportionnées et sa maladresse qui sont visés.
Mon avis : Très bon manga
Je dois dire que dès les premières pages, j’ai été conquise par l’histoire, malgré mes réticences de prime abord et les graphismes que je ne trouve pas à mon goût la plupart du temps. J’adore cette vision des donjons, la cuisine des monstres et surtout les explications qui sont plutôt crédibles et surtout très sérieuses. Ce mélange de genres, abordés de manière à la fois sérieuse et humoristique, apporte une sacrée note de fraîcheur dans le milieu des shônen (je le classe dans cette catégorie, même s’il s’agit plutôt d’un seinen à priori), et me réconcilie un peu avec ce type de mangas (que je lis de moins en moins).
J’ai hâte de voir la suite des aventures de l’équipe de Laïos, connaître les prochaines recettes, et voir Marcyle à l’oeuvre dans un chapitre (au moins) qui lui sera probablement dédié prochainement. Si vous aimez l’univers des RPG, en jeu ou en lecture, et/ou la cuisine, je pense que cette nouvelle série pourra tout à fait vous plaire. Même si la cuisine n’est pas votre tasse de thé, le thème y est majoritaire mais pas unique, et l’exploration du donjon reste une autre grande partie du manga.
Editeur : Casterman Auteur : Ryoko Kui Date de sortie : 17 mai 2017 Format : 13 x 18 cm Catégorie : Seinen Genre : Gastronomic fantasy, cuisine, humour Tarif : 8,45 € Manga fourni par Casterman |